A la veille des 72 ans de la Nakba, et alors que les Palestiniens doivent affronter en même temps le risque de pandémie, l’occupation israélienne et les projets d’annexion de Trump-Netanyahou, l’AFPS organisait, le 14 mai 2020, une conférence-débat en ligne et en direct de Palestine.
Une "première" pour notre organisation !
Quelque 380 personnes étaient connectées pour écouter nos invités palestiniens. Bertrand Heilbronn, président de l’AFPS, et Anne Tuaillon, vice-présidente, ont animé le débat.
Il a été demandé aux intervenants d’évoquer la Nakba, de parler de la situation actuelle entre épidémie et occupation, et d’évoquer l’avenir.
Morceaux choisis de cette soirée qui prouve, une fois encore, que le peuple palestinien résiste et qu’il a besoin de notre solidarité.
Muntheer Amira, acteur de la résistance populaire palestinienne, camp d’Aïda
Mon père a rêvé toute sa vie de rentrer dans son village. Il est mort avant. Moi, je vis dans ce camp depuis l’âge de 7 ans. Et depuis l’âge de 7 ans, je participe à toutes les formes de résistance à l’occupation parce que depuis 1948, la Nakba continue.
Je vais essayer de ne pas être pessimiste mais aujourd’hui, la situation est vraiment difficile. Nous avons le sentiment d’une grande solitude même si nous voulons continuer de transmettre l’espoir à nos enfants. Aujourd’hui, nous avons fabriqué une clé de 12 mètres avec eux, pour qu’ils n’oublient pas que grâce à la résistance, l’union, la solidarité internationale et l’espoir, alors le droit triomphera.
Nada Awad, juriste à l’Institut du Caire pour l’étude des Droits de l’homme, Jérusalem
À Jérusalem où je vis et où je travaille, on assiste tous les jours à la politique israélienne de transfert des populations palestiniennes qui, je le rappelle, est totalement illégale au regard du droit international. Cette politique s’applique grâce à deux mesures principales : la révocation de résidence qui permet de traiter les Palestiniens comme des immigrés. Et la planification urbaine qui exclut les Palestiniens du système de construction. 1/3 des Palestiniens de Jérusalem vivent dans une maison sans permis donc menacée de démolition.
60% de la zone C est interdite à la construction par Israël : l’annexion a commencé depuis longtemps.
Majed Bamya, diplomate palestinien, New York
Pour moi, la Nakba prend la forme d’un souvenir raconté par ma mère, celui de coups sur une porte. Ces coups, ce sont ceux de mon grand-père qui frappe à la porte de sa maison occupée par quelqu’un d’autre. L’écho de ses coups me guide dans mon engagement politique.
Depuis 1948, Israël confine les Palestiniens hors de leur territoire naturel. L’annexion est la preuve ultime de l’intention criminelle d’Israël qui s’appelle le colonialisme. Et le colonialisme est une des choses les plus abjectes de l’histoire, au même titre que l’apartheid.
L’annexion va permettre de prendre la politique d’Israël pour ce qu’elle est et de briser le tabou qu’il y a autour de ce pays. Il faut mettre fin à l’exceptionnalisme palestinien, on doit être jugé comme les autres, joindre nos capacités avec les autres mouvements qui luttent pour les mêmes causes. Il ne faut pas être isolé dans notre cause et pour ça, l’unité palestinienne est élément décisif.
Le destin du peuple palestinien, c’est d’être libre et il faut y croire. Il n’y a pas de raison de perdre espoir mais de perdre patience !
Rania Muhareb, juriste spécialiste des Droits de l’homme, association Al-Haq, Jérusalem
Pour moi, la Nakba c’est à la fois la mémoire collective et l’impunité qui continue. Les conditions des droits de l’homme se dégradent, notamment pendant l’état d’urgence sanitaire : les restrictions de mouvement, les arrestations, les démolitions de maison et la confiscation de matériel médical sont quotidiens. Les Israéliens sapent tous les efforts des Palestiniens pour limiter la propagation du Covid-19 ? Au début de l’épidémie, les informations sur le virus n’étaient même pas traduites en arabe.
Depuis 1948, il y a une continuité politique en Israël. L’entreprise israélienne est une entreprise coloniale et l’annexion ne fera que cristalliser un régime d’apartheid déjà en place.
Seules des sanctions mettront fin au régime d’apartheid. Et seule la mobilisation des sociétés civiles brisera la solitude du combat palestinien.
Ayed Yaghi, directeur du PMRS (Secours médical palestinien), Gaza
Aujourd’hui, à Gaza, nous devons combattre deux virus : le Covid-19 et l’occupation quand 80% des familles palestiniennes dépendent de l’aide internationale. La communauté internationale est également responsable de l’annexion parce qu’elle ne condamne pas les crimes israéliens.
L’armée d’occupation va continuer à tout faire pour réduire la présence palestinienne en Palestine. Il faut mettre fin à la division palestinienne et établir une seule direction dans la lutte du peuple palestinien. Selon moi, tous les Palestiniens devraient adhérer à l’OLP, seul représentant du peuple palestinien, parce que la division nous dessert face à Israël.
Par ailleurs, il faut continuer la résistance populaire, étendre la solidarité internationale et soutenir l’activité du mouvement BDS, surtout pour les sanctions.
Vous trouverez l’enregistrement de la conférence en cliquant sur ce lien.